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POURQUOI TET’EKOMBO, DUALA MANGA NE S'EST PAS ÉVADÉ LA VEILLE DE SA PENDAISON


Par Dr Charles Adalbert MANGA EBONGUE


Le 8 août 1914 marque une date tragique mais emblématique dans l'histoire du Cameroun. Ce jour-là, Rudolf DUALA MANGA BELL, chef du peuple Duala, fut pendu par les autorités coloniales allemandes. Son crime ? Avoir courageusement défendu les droits de son peuple face aux projets d'expropriation et à la ségrégation imposée par les colons. Refusant de se soumettre à l’injustice et à la violence, il a choisi de sacrifier sa propre vie pour préserver l'honneur et la dignité de son peuple.


Un acte de sacrifice pour son peuple


La veille de son exécution, DUALA MANGA a rencontré l’un des notables, ANJO BELL, pour lui livrer ses dernières pensées. C’est avec des larmes aux yeux que ce dernier vit le roi emprisonné s'en aller vers son sort, résigné mais fier. DUALA MANGA BELL savait que son sacrifice était nécessaire. Ses paroles résonnent encore aujourd'hui :

« Le salut de mon peuple passe par le sacrifice de ma vie, je ne peux refuser ce salut à mon peuple. C’est pour cela que mon sang doit couler. »


Dans ce dernier entretien, DUALA MANGA énonça trois raisons profondes pour lesquelles il ne pouvait fuir, malgré l'opportunité d'évasion qui s'était présentée à lui.


1. La protection de son fils aîné

DUALA MANGA savait que son fils, Alexander NDUMBE DUALA, qui se trouvait en Allemagne pour ses études, serait en danger si son père s’évadait. « Imaginez-vous ce qui peut lui arriver si je m’évade ? » disait-il. En tant que père et roi, il savait que sa fuite entraînerait des représailles qui pourraient compromettre l’avenir de son héritier.



2. La fidélité envers ses amis et ses valeurs

DUALA MANGA BELL ne voulait pas trahir ceux qui avaient pris des risques pour lui. Il faisait référence à ZIMMERMAN, un ami qui avait permis au roi de dire un dernier adieu à sa famille et à son peuple. « Mérite-t-il la trahison ? Que lui arrivera-t-il comme punition ? » demanda-t-il. DUALA MANGA, homme de principes et de loyauté, ne pouvait mettre en danger la vie d’un ami. Il poursuivit en posant une question simple mais lourde de sens : « Suis-je un traître ? » Non, il ne l'était pas et n’avait jamais trahi les siens.



3. La solidarité avec NGOSO DIN

Enfin, DUALA MANGA BELL ne pouvait abandonner NGOSO DIN, son secrétaire fidèle, qui avait été emprisonné à ses côtés. « Doit-il mourir seul pour notre peuple ? Non, je ne peux laisser faire cela ! » Cette phrase traduit la profonde solidarité entre les deux hommes, prêts à partager leur destin. En acceptant son exécution, DUALA MANGA BELL a assumé sa responsabilité en tant que chef, ne voulant pas qu’un autre porte seul le poids de cette résistance.






Une exécution injuste, un héritage éternel


Le 8 août 1914, DUALA MANGA et NGOSO DIN furent pendus. Cet acte barbare visait à briser la résistance du peuple Duala et à installer un régime de soumission. Les colons allemands mirent alors un régent à la tête des Bellois pour contrôler la population. Mais, leur victoire ne fut que temporaire. En 1918, après leur défaite lors de la Première Guerre mondiale, les Français prirent le relais et continuèrent cette politique de domination.


Ce n’est qu’en 1950 que la lignée de DUALA MANGA BELL retrouva son trône. Alexander NDUMBE DUALA, son fils aîné, fut finalement installé comme roi grâce aux efforts de Richard DIN MANGA BELL, mettant fin à la régence coloniale.


Une vision contre la ségrégation


Le combat de Rudolf DUALA MANGA BELL ne se limitait pas à la préservation de son propre pouvoir. Il était profondément engagé dans la lutte contre les politiques ségrégationnistes qui cherchaient à diviser Douala en zones européennes et indigènes. Dans une pétition adressée aux autorités coloniales le 20 février 1913, il dénonçait le projet de création d’une ville séparée pour les Européens, en ces termes :

« Nous commencerons par nier le besoin de créer une ville européenne et une ville purement indigène. La conception selon laquelle ces deux aménagements sont nécessaires n’est soutenue ni par les colons commerçants, ni par les missionnaires… ni même par tous les indigènes. »

Cette opposition à l’apartheid spatial fut un acte de résistance à la fois politique et social, soulignant la vision de DUALA MANGA d’une ville unifiée, sans discrimination, où les Camerounais et les Européens coexisteraient.


Le courage d’un homme, le combat d’un peuple


DUALA MANGA BELL est une figure incontournable de l’histoire du Cameroun. Surnommé TET’EKOMBO, « le père de la nation », il incarne la persévérance, la foi et la volonté de défendre son peuple contre l’injustice. Son engagement pour la liberté, son refus de la soumission et son courage face à la mort font de lui un symbole intemporel de résistance.


Son sacrifice, accompagné par son fidèle secrétaire NGOSO DIN, rappelle que la lutte pour la justice est souvent un chemin semé d’embûches, mais qu’elle est nécessaire pour bâtir un avenir digne.

Comme le dit si bien le proverbe Sawa : EYALA MBALE E TITI DIPAMA, « la vérité n’est point arrogante ». L'héritage de DUALA MANGA BELL demeure une source d'inspiration pour tous ceux qui luttent pour la justice et la liberté.



Association Sawa Community

 
 
 

1 Comment

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Guest
Oct 01, 2024
Rated 4 out of 5 stars.

Belle présentation, merci !

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